Évaluation expérimentale du potentiel de la climatisation par eau de mer (SWAC) en climat tropical
Selon un rapport de l’International Energy Agency (IEA), la consommation d’énergie liée à la climatisation a triplé entre 1990 et 2016, et avec elle les émissions de dioxyde de carbone, atteignant 1130 millions de tonnes par an. Une des solutions pour réduire cette consommation consiste à améliorer la performance des systèmes de climatisation utilisés, généralement évaluée par l’Energy Efficiency Ratio (EER). La technologie SWAC (Sea Water Air Conditioning) s’inscrit dans cette démarche d’efficacité énergétique en proposant une alternative très performante à la climatisation conventionnelle pour les zones côtières.
Le SWAC consiste à pomper de l’eau de mer froide (5∘C) situé à environ 1000 m de profondeur via un pipeline posé sur le fond marin. Cette eau passe dans un échangeur thermique pour transmettre sa puissance frigorifique à un réseau d’eau glacée, qui assurera la distribution du froid dans l’ensemble des bâtiments à climatiser. Ce procédé échappe aux limites des systèmes de climatisation à compression mécanique de vapeur, puisque l’on ne fait que transporter du froid existant.
À ce jour, il existe cinq installations SWAC dont trois aussi dédiées à l’étude des cycles OTEC pour la production d’électricité. Ces trois installations sont situées à Goseong en Corée du Sud, à Okinawa au Japon et dans le District de North Kona à Hawaii. Les deux autres ont été conçues exclusivement pour la production de froid, elles sont situées à Bora Bora et Tetiaroa en Polynésie française et sont respectivement de 1,6 et 2,4 MWf. L’installation de Bora Bora est momentanément à l’arrêt car la conduite de puisage doit être remplacée. Un troisième SWAC de 6MWf est en construction sur l’île de Tahiti pour alimenter le Centre Hospitalier de Polynésie française (CHPF), la mise en service est prévue pour fin 2021.
Malgré son fort potentiel et l’existence d’installations fonctionnelles, la technologie SWAC reste peu développée dans le monde. Ce retard peut s’expliquer en partie par un manque de données expérimentales permettant d’évaluer la performance énergétique d’une installation SWAC réelle sur une longue durée.
Dans cet article, nous présenterons les performances du système SWAC installé à l’hôtel The Brando sur l’atoll de Tetiaroa en Polynésie française. Ce système alimente une boucle d’eau glacée, faisant le tour de l’île, pour une longueur totale de trois kilomètres. Les résultats expérimentaux montrent des valeurs d’EER comprises entre 20 et 140 en fonction de la longueur de la boucle de distribution de froid, sachant que les systèmes de climatisation classiques à compression mécanique de vapeur atteignent 5 pour les plus performants. En termes d’émissions carbones, le SWAC de Tetiaroa émet environ 225 tonnes de par an contre 860 tonnes pour les hôtels équivalents (5972 MWhf/an) de Polynésie Française équipés de systèmes de production de froid conventionnels.