Indicateurs de flexibilité énergétique appliqués aux réseaux de chaleur
La flexibilité des systèmes énergétiques, et plus particulièrement dans le domaine des réseaux d’énergies, est un sujet très investigué dans le contexte actuel d’insécurité de l’approvisionnement énergétique pour assurer la résilience énergétique des territoires. La plupart des études dans l’état de l’art s’appuient sur des indicateurs divers majoritairement basés sur des conséquences de la flexibilité énergétique (par exemple, impact économique de stockages ou d’un contrôle avancé), plutôt que sur des indicateurs qui quantifient la flexibilité en tant que propriété intrinsèque. Ainsi, la définition et la caractérisation de la flexibilité propre à un système énergétique multi-sources restent à définir. Le problème peut être reformulé à l’aide des questions suivantes : comment évaluer la diversité de solutions techniques pour répondre à une demande énergétique ? Quels sont les degrés de liberté dans le pilotage des systèmes constitués de diverses unités énergétiques ? Existe-t-il un indicateur générique et intrinsèque au système pour caractériser cette diversité ?
Cet article vise à fournir quelques éléments de réponse en proposant deux indicateurs originaux pour caractériser et quantifier la flexibilité énergétique offerte par le foisonnement des ressources et des besoins sur les réseaux de chaleur. Ces indicateurs s’inspirent de la notion du nombre de configuration thermodynamique des systèmes, entendant chaque configuration d’un réseau comme le nombre de combinaisons possibles de ses différentes unités énergétiques (à savoir : production pilotable ou non-pilotable, dissipation, stockage/inertie, et gestion de la demande - DSM) pour répondre à une demande. A l’instar de l’entropie, la flexibilité énergétique est exprimée comme le logarithme du nombre de configuration. Cela confère aux indicateurs proposés des règles d’additivité intuitives : la flexibilité résultant de la combinaison ou interconnexion de plusieurs réseaux ou unités énergétiques vaut la somme de leurs flexibilités respectives. Ces indicateurs sont déclinés selon deux variantes : d’une part, la flexibilité dite structurelle, qui tient compte des combinaisons entre unités énergétiques pour répondre à une demande donnée ; et d’autre part, la flexibilité dite opérationnelle, qui tient compte de la diversité de choix de pilotage entre les unités combinées. Ces deux indicateurs définissent donc deux distributions adimensionnelles de flexibilités (structurelle et opérationnelle) sur la plage de fonctionnement du réseau de chaleur. En outre, les indicateurs de flexibilités potentielles proposés sont construits de manière à s’affranchir de considérations dynamiques du système et peuvent être évalués à partir des seuls paramètres opératoires des unités. Ces indicateurs permettent d’identifier des éventuels points contraints dans l’opération du réseau (impossibilité de satisfaction de la demande et/ou rigidité dans le pilotage du système) et d’évaluer les conséquences d’arrêts sur les différentes unités (pannes, maintenance…). Cet article comprend la présentation des indicateurs, la procédure d’évaluation et un cas d’application pour en illustrer sa mise en œuvre. Bien que le travail ici présenté ne concerne que les réseaux thermiques, la méthode est duplicable pour d’autres types de réseaux énergétiques, tant que les différentes unités en jeu soient quantifiables en termes de puissance. Une extension aux réseaux urbains multi-énergies interconnectés est proposée en perspective, par l’intégration additionnelle d’unités de conversion d’énergie.