Modélisation et simulation numérique de l’étalement d’un fluide dense et à haute température

L’étalement d’un fluide dense à surface libre est un problème rencontré dans de nombreuses situations comme les coulées de lave volcanique, les avalanches ou le dépôt d’encre dans une imprimante.

Lorsque le fluide est à haute température équivalente ou même supérieure à celles des laves volcaniques, il s’agit d’un écoulement multiphasique complexe, siège de phénomènes physiques couplés comme la solidification due aux échanges thermiques : par rayonnement (en surface), par convection (en présence d’eau), ou par conduction (avec le substrat). La rhéologie du fluide (éventuellement non Newtonienne) intervient de façon importante ainsi que les interactions thermique et chimique avec le substrat (érosion du substrat, position du front du béton, dégazage...).

Cette physique se retrouve aussi lors d’un accident grave (AG) d’un réacteur nucléaire à eau pressurisée: le combustible, en cas de perte de refroidissement, fond et se mélange avec les structures du cœur pour former un magma que l’on appelle le corium (mélange d’oxydes et de métaux à 3000K). Ce corium va alors se propager dans l’enceinte de confinement de la centrale après avoir percé la cuve du réacteur.

Comprendre l’étalement du corium s’avère donc un enjeu crucial pour les stratégies de mitigation dans les nouveaux réacteurs afin d’évaluer les conséquences d’un AG lors de la propagation du corium et d’élaborer un moyen efficace de refroidissement du corium avant que celui-ci ne menace l’intégrité de la barrière de confinement (par exemple grâce à un concept de récupérateur comme celui développé pour le réacteur EPR).

En s’appuyant sur les connaissances des écoulements de lave, ainsi que sur les essais en corium prototypique réalisés au sein du Laboratoire d’études et d’Expérimentation pour les Accidents Graves, nous développons un nouvel outil de simulation afin de remplacer l’ancien code de calcul THEMA développé par le CEA et EDF dans les années 90, qui fait appel à des hypothèses qui aujourd’hui peuvent être levées.

Des similitudes et des différences ont été identifiées entre le cas d’écoulement de la lave volcanique et celui du corium, notamment au niveau de la géométrie de l’écoulement qui ne nous permet pas au premier abord d’appliquer l’hypothèse de Saint-Venant, ou bien de considérer le substrat comme un milieu semi-infini.

Le choix a donc été fait d’implémenter les équations et lois de fermeture du modèle dans l’outil RHEOLEF, un environnement C++ pour l’utilisation de la méthode de Galerkin discontinue des éléments finis, appliquant un algorithme de résolution de Lagrangien augmenté, afin de simuler cet étalement. Du fait de la non-dérivabilité de la loi de comportement des fluides à seuil, l’emploi de cette méthode est nécessaire si l’on souhaite éviter la régularisation du modèle, qui donne des résultats rapides mais ne permet pas de recouvrir l’arrêt de l’écoulement.

Ainsi, au travers de cette modélisation, nous souhaitons simuler l’étalement d’un liquide dense à surface libre et haute température, disposant de plusieurs phases (liquide, solide, gazeuse, stratification des composants), donnant lieu à des échanges thermiques avec son environnement (rayonnement, convection, conduction, ablation), afin de répondre aux besoins de la nouvelle génération de réacteur EPR.

Contributeurs
Barbara Bigot
Jean-Francois Haquet
Pierre Saramito
Claude Smutek
Contact
thomas.schiano@cea.fr
Groupe thématique
Mots-clés
écoulements non-isothermes
fluides non-Newtoniens
milieux polyphasiques
accidents graves